L’enquête sociale européenne 2023-2024 révèle que 70% des français ne ressentent pas une pression migratoire excessive

Des policiers français sur la plage de Sangatte (Pas-de-Calais) face à des migrants qui tentent de traverser la Manche, le 15 janvier 2025. Bernard Barron/AFP

Un article du média The Conversation met en avant l’enquête sociale européenne 2023-2024, réalisée par des universitaires dans 31 pays européens.

Dans cette enquête, au moins 69 % des Français se disent favorables à l’accueil des étrangers en France. Une réalité qui contraste avec le «sentiment de submersion migratoire» évoqué par le Premier ministre François Bayrou.

Cet article démontre qu’associer le terme « sentiment » au concept de « submersion migratoire» relève d’une stratégie de communication soigneusement calculée, orientant le débat au-delà des réalités statistiques sur l’immigration.

La submersion migratoire : une idée largement démentie

Le 27 janvier 2025, sur LCI, François Bayrou suscite de vives réactions en affirmant l’existence en France d’un « sentiment de submersion » migratoire. Difficile d’imaginer que ces mots n’aient pas été soigneusement choisis.

Le même article rappelle que des experts tels que Emmanuel Didier, Hervé Le Bras ou François Héran ont mené des études scientifiques démontrant que le discours politique désavoue les études de l’INSEE pourtant un organisme rigoureux, que l’idée de « grand remplacement » est infondée et que la France n’est pas le pays le plus attractif d’Europe.

Le sentiment des Français : une perception qui pèse dans le débat

Le choix des mots du chef du gouvernement est loin d’être anodin : il insiste sur la notion de « sentiment». Or, la perception ne reflète pas toujours la réalité. Partout dans le monde, les citoyens ont tendance à surestimer la part des étrangers dans leur pays, un phénomène largement documenté. La chercheuse française Stefania Stantcheva, professeure à Harvard, l’a d’ailleurs démontré dans une étude, soulignant combien ces biais cognitifs influencent les débats publics.

Peut-on aller à l’encontre du sentiment des Français ?

Difficile de l’imaginer, tant la souveraineté populaire est au cœur de la démocratie. Mais avant même de réfléchir à la mise en pratique de ce principe, encore faut-il que ce « sentiment » repose sur une réalité tangible.

En utilisant le terme « sentiment », le chef du gouvernement s’appuie sur une perception subjective qui lui permet de déplacer le débat au-delà des données chiffrées de l’Insee, créant ainsi une zone d’incertitude propice à l’embarras politique. Après tout, qui pourrait légitimement contester le ressenti des citoyens, façonné par leur quotidien et leurs expériences personnelles ? A priori, personne.

En revanche, comme l’indique l’article, il est possible d’examiner si ce sentiment existe réellement en France.

Un sentiment de submersion qui ne se confirme pas

Si les Français ressentaient une véritable submersion migratoire, une majorité d’entre eux s’opposerait catégoriquement à l’accueil des étrangers. Or, les chiffres de l’Enquête sociale européenne ne confirment pas cette idée. Seule une faible proportion (entre 3,5 % et 8,2 %) s’y oppose fermement, tandis qu’une large majorité (plus de 69 %) se montre favorable à différents degrés.

Loin d’une radicalisation des positions, les opinions sur l’immigration se sont dépolarisées ces dernières années. Le rejet strict de l’accueil des étrangers a reculé, tandis que les avis intermédiaires ont progressé, traduisant une approche plus nuancée du sujet.

Ces données contrastent avec le discours du chef du gouvernement et soulignent la nécessité d’un débat public fondé sur des faits. Plus que jamais, l’État doit garantir l’utilisation d’informations fiables pour préserver la cohésion sociale.

Source : https://theconversation.com/pres-de-70-des-francais-neprouvent-pas-de-sentiment-de-submersion-migratoire-selon-une-enquete-sociale-europeenne-2494674